Un autre frisson pour le secteur caritatif : les préjugés systémiques exposés contre les organisations caritatives dirigées par des musulmans
Par Abdul Nakua 23 juin 2021
L'engagement du gouvernement à lutter contre l'islamophobie doit inclure une
révision de ses lois et politiques antiterroristes et les remplacer par
alternatives qui ne stigmatisent pas la communauté musulmane ou
autre communauté.
Deux rapports récents ont exposé comment les organismes de bienfaisance dirigés par des musulmans ont été dans la ligne de mire du gouvernement dès 2003. La ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, devrait déclarer un moratoire sur la vérification ciblée des organismes de bienfaisance musulmans par la Division de l'examen et de l'analyse de l'ARC, écrit Abdul Nakua. Photographie du Hill Times par Andrew Meade
En 2012, le gouvernement Harper s'est attaqué aux organismes de bienfaisance en matière d'environnement et de justice sociale en lançant des vérifications par l'Agence du revenu du Canada des activités politiques de 60 organismes de bienfaisance canadiens, ce qui est devenu connu dans le secteur sous le nom de « froid de la défense ».
Les « activités politiques » ont été utilisées comme écran de fumée pour masquer le véritable objectif des audits, qui était de faire taire l'opposition à l'agenda politique. Le gouvernement libéral a finalement fermé ce programme en 2017 après beaucoup d'hésitations et de retards. Cette saga a exposé la vulnérabilité du secteur caritatif aux tactiques oppressives du gouvernement. Récemment, deux rapports ont exposé comment les organismes de bienfaisance dirigés par des musulmans ont été dans la ligne de mire du gouvernement dès 2003. Un rapport publié par l'International Civil Liberties Monitoring Group (ICLMG), une coalition nationale de la société civile canadienne basée à Ottawa
organisations, a établi que de 2008 à 2015, la Division de l'examen et de l'analyse (SAR) de l'ARC, qui a été établie pour enquêter sur le financement du terrorisme dans le secteur caritatif, a effectué des vérifications auprès de 16 organismes de bienfaisance, dont huit ont vu leur statut d'organisme de bienfaisance révoqué, dont à au moins 75 pour cent d'entre eux étaient des organisations caritatives dirigées par des musulmans.
Le rapport décrit comment les organismes de bienfaisance musulmans sont absolument désavantagés pour obtenir des décisions de vérification équitables qui se produisent dans l'ombre des régimes canadiens de lutte contre le financement du terrorisme et la radicalisation. Par exemple, contrairement aux vérifications régulières menées par l'ARC, le rapport identifie
que les audits de la RAD incluent les forces de l'ordre et les agents de sécurité nationale en plus des auditeurs, utilise des pratiques distinctes, notamment la confiscation des appareils électroniques et des fichiers, des examens approfondis, des renseignements et une surveillance, et l'audit numérique des événements et de la programmation d'un organisme de bienfaisance.
Le deuxième rapport, intitulé « Under Layered Suspicion », a exposé comment ces expéditions de collecte de données et de renseignement sont analysées et interprétées. En contre-interrogeant trois rapports d'audit de six organisations caritatives révoquées, le rapport a identifié un certain nombre de biais systémiques tels que le fait de considérer les musulmans, ainsi que leurs modes de vie et leurs activités, comme intrinsèquement étrangers ou étrangers. Le cadre de référence de l'ARC pour évaluer l'avancement de la religion, notamment
L'Islam est enraciné dans les idéaux et les pratiques chrétiennes et est, par conséquent, biaisé.
Les auteurs ont également soulevé des préoccupations concernant les sources, les méthodes et les modes de collecte et d'interprétation des preuves. Ces deux rapports apportent des preuves concrètes du biais systémique suspecté au sein de la communauté musulmane depuis de nombreuses années.
Bien que la SAR ne soit pas connue du public, elle joue un rôle actif dans le régime de financement antiterroriste du Canada après le 11 septembre, parmi 13 autres ministères et organismes fédéraux. Créée en 2003, la RAD est chargée d'enquêter sur le financement du terrorisme dans le secteur caritatif. le
La division ne travaille pas seule et est un partenaire dans le travail d'enquête sur la sécurité nationale effectué par l'équipe de lutte contre le financement des activités terroristes de la GRC, selon la CSILC, et travaille également avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Cela soulève en outre l'inquiétude qu'il existe un manque de freins et contrepoids solides pour assurer une surveillance adéquate dans la conduite de ces audits.
Le parti pris de la SAR est ancré dans la stratégie de lutte contre le financement du terrorisme guidée par l'Évaluation nationale des risques de 2015 du ministère des Finances, qui comprenait 11 entités présumées avoir un lien avec le Canada et constituer une menace de financement du terrorisme. Neuf de ces entités étaient liées à des groupes islamistes extrémistes/militants et à des combattants étrangers dans les pays musulmans. Comme l'affirment à juste titre les deux rapports, cela singularise indûment les organisations caritatives musulmanes pour
la surveillance, les audits et la révocation de leur statut d'organisme de bienfaisance.
Ces deux rapports donnent l'impulsion à un leadership fort du gouvernement et à une action pour inverser la tendance. Immédiatement, le ministre du Revenu national devrait déclarer un moratoire sur l'audit ciblé des organisations caritatives musulmanes par la RAD. Le ministre devrait également ordonner au directeur de la Direction des organismes de bienfaisance de suspendre la SAR.
L'engagement du gouvernement à lutter contre l'islamophobie et à organiser un sommet d'action national sur l'islamophobie doit inclure un examen de ses lois et politiques antiterroristes et les remplacer par de nouvelles alternatives adaptées qui ne stigmatisent pas la communauté musulmane ou toute autre communauté.
Un ancien solliciteur général canadien, Francis Fox, a noté lors de la création de la Commission McDonald, dont les rapports ont conduit à la création du SCRS, devant la Chambre des communes : « Dans une société démocratique… il est essentiel que ceux à qui… incombe la tâche de faire respecter la loi et de protéger nos libertés fondamentales, peut compter sur le soutien total du peuple.
Ce soutien, en retour, doit être basé sur la conviction que ceux qui protègent ces droits se sentent eux-mêmes liés et sont en effet liés par nos lois dans l'accomplissement de leurs devoirs. Que ce soit pour le SCRS ou pour la Division de l'examen et de l'analyse de l'ARC, cela reste malheureusement une question ouverte. Il incombe au gouvernement fédéral de réinitialiser et de
réaligner le mandat de la SAR pour protéger les libertés civiles fondamentales des organismes de bienfaisance musulmans canadiens.
Abdul Nakua est membre de la direction de l'Association musulmane du Canada et membre du conseil d'administration de l'Ontario Nonprofit Network.