Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne – Témoignage du Dr Nabil Sultan au nom du MAC

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE

OTTAWA, le lundi 21 novembre 2022

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Nabil Sultan, directeur des communications et de l'engagement communautaire, Muslim Association of Canada : Merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Je m'appelle Nabil Sultan. Je suis éducateur et médecin. Je suis directeur des communications et de l'engagement communautaire pour l'Association musulmane du Canada. J'étais également l'ancien président du conseil d'administration de MAC. La mission de l'AMC est de promouvoir une vision modérée et équilibrée de l'islam au Canada et d'éduquer et de motiver les musulmans canadiens à mettre leur foi en action au profit de tous les Canadiens. MAC comprend l'islam comme un mode de vie global qui met l'accent non seulement sur la croyance, mais aussi, et surtout, sur le service à l'humanité. MAC compte actuellement plus de 1 000 employés, plusieurs milliers de bénévoles et dessert plus de 150 000 membres de la communauté musulmane canadienne avec des chapitres dans 14 villes à travers le pays. Le MAC exploite également 22 mosquées et centres communautaires et compte 30 écoles.

MAC est reconnu comme un chef de file dans les affaires islamiques au Canada, représentant un segment important de la compréhension de l'islam par la communauté musulmane canadienne. Les organismes de bienfaisance musulmans ont été ciblés par l'ARC. Des rapports indépendants de l'Institut d'études islamiques et du Groupe international de surveillance des libertés civiles confirment les préoccupations de la communauté concernant la discrimination et l'islamophobie.

Le Premier ministre a affirmé la question lors du Sommet national sur l'islamophobie et le médiateur enquête sur les pratiques de l'agence.

Malgré son bon travail, l'AMC risque actuellement de voir son statut d'organisme de bienfaisance révoqué par la Division de l'examen et de l'analyse, SAR, de l'ARC. À l'instar de nombreux autres organismes de bienfaisance musulmans, l'ARC applique à l'AMC des normes qu'elle n'applique pas aux autres organismes confessionnels.

L'AMC reconnaît que l'ARC a le droit de vérifier les organisations et que l'AMC, comme tout autre organisme de bienfaisance, doit se conformer à la Loi de l'impôt sur le revenu. Mais soumettre MAC à des normes différentes de celles d'autres organismes de bienfaisance, d'autres organismes de bienfaisance religieux, simplement parce que MAC est une organisation musulmane est discriminatoire et contraire aux principes fondamentaux de la démocratie canadienne et à notre Charte des droits et libertés.

Aujourd'hui, je vais discuter de l'expérience de MAC, qui est révélatrice d'autres organisations caritatives musulmanes. En 2015, le Soleil de Toronto a publié des articles islamophobes affirmant que MAC était mentionné dans une enquête INSET de la GRC et que MAC avait des liens avec le terrorisme. Ces articles étaient faux, trompeurs et peut-être politiquement motivés. À l'époque, MAC a nié ces allégations, mais n'avait aucun recours, car la GRC n'a ni confirmé ni nié les allégations.

Peu de temps après, l'ARC a lancé une vérification du MAC. L'audit n'était ni aléatoire ni routinier, il a été déclenché par ces articles et a commencé dans le but précis d'enquêter sur d'éventuels liens avec le terrorisme ou le financement du terrorisme. La vérification a été effectuée par la Division de l'examen et de l'analyse, SAR, une unité spécialisée qui enquête sur le financement du terrorisme au sein de l'ARC. RAD était sur place pour cet audit pendant environ 13 mois et a mené des entretiens et examiné plus de 400 000 e-mails MAC, 1 million de transactions financières et plus de 60 000 fichiers supplémentaires.

Selon les avocats de MAC, qui ont une vaste expérience des audits d'organismes de bienfaisance, cet audit était beaucoup plus approfondi que tout autre audit dont ils ont été témoins. En fin de compte, comme prévu, RAD n'a trouvé aucune preuve que MAC soutient ou finance le terrorisme ou l'extrémisme de quelque nature que ce soit.

En 2020, l'Association musulmane du Canada, MAC, a contacté la commissaire de la GRC Brenda Lucki pour demander une explication à la Soleil de Toronto des articles. MAC a reçu une lettre d'elle confirmant qu'il n'y a aucun acte répréhensible de la part de MAC. Peu de temps après, Postmedia a rétracté le Soleil de Toronto articles, parce qu'ils ne pouvaient pas être justifiés.

En 2021, la Division de l'examen et de l'analyse de l'ARC, SAR, a publié sa lettre d'équité administrative qui s'appuyait fortement sur ces articles maintenant rétractés ainsi que sur un grand nombre d'articles discrédités et islamophobes. L'un d'eux est Thomas Quiggin, qui a publié des informations erronées alléguant des liens étendus entre les organisations musulmanes et le terrorisme. Il fait l'objet de plusieurs poursuites en diffamation et a été l'un des organisateurs du Freedom Convoy. Imaginez si l'ARC vérifiait une organisation juive et s'appuyait sur des sources rédigées par des personnes connues pour leur antisémitisme; pourtant, l'ARC considère qu'il s'agit d'une conduite acceptable dans le cas des organismes de bienfaisance musulmans. 

Il existe de nombreux exemples d'islamophobie dans cet audit, mais l'un des exemples les plus clairs est qu'il allègue arbitrairement que plusieurs activités du MAC sont sociales plutôt que religieuses et, par conséquent, son statut d'organisme de bienfaisance devrait être révoqué. Par exemple, le CRA affirme que les fêtes de l'Aïd du MAC sont insuffisamment religieuses, car elles impliquent des éléments sociaux tels que des carnavals pour les enfants, des bazars et des ventes de nourriture. Il est difficile d'imaginer que l'ARC applique la même norme de pas suffisamment religieux à une fête de Noël organisée par une église, une célébration de la Pâque tenue dans une synagogue ou une célébration de Diwali tenue dans un temple hindou. Accepter le statut autoproclamé de la CRA et de la RAD en tant qu'interprètes de l'islam ne devrait pas être autorisé. C'est pour ces raisons que MAC a lancé une Charte contestation devant la Cour supérieure de l'Ontario qui allègue à la fois l'islamophobie systémique dans les pratiques de l'ARC et la violation spécifique des MAC Charte droits par la vérification de l'ARC. 

L'AFL ou la lettre d'équité administrative de l'ARC prétend délégitimer d'importantes activités caritatives au Canada pour faire avancer la religion par le biais d'allégations non fondées fondées sur des préjugés et des préjugés islamophobes. Cela a été l'expérience de nombreux organismes de bienfaisance musulmans audités par l'ARC. L'approche partiale de l'ARC ne sert pas l'intérêt public; au contraire, il s'appuie à la fois sur des récits islamophobes extrémistes et les alimente. Pour de nombreux organismes de bienfaisance musulmans, lorsque l'ARC n'a pas été en mesure d'identifier les découvertes de terrorisme, elle révoque et sanctionne plutôt les organismes de bienfaisance musulmans sur la base de défauts techniques qui pourraient être corrigés sans sanction si les organismes de bienfaisance musulmans avaient une chance équitable d'adopter l'approche axée sur l'éducation qui l'ARC énonce sa politique générale et qu'elle offre à d'autres organismes de bienfaisance. 

Ces pratiques discriminatoires de l'ARC contre les organismes de bienfaisance musulmans ont eu un effet dévastateur sur les services et les programmes sur lesquels comptent des dizaines de milliers de musulmans canadiens et d'autres bénéficiaires. Les organisations caritatives musulmanes ont été contraintes de détourner d'importantes ressources humaines et financières du service de leurs communautés pour se défendre contre ces pratiques. Ils ont eu un effet dissuasif sur la communauté musulmane, rendant les musulmans réticents à soutenir les organisations caritatives musulmanes et à rechercher leurs services, privant davantage une communauté déjà touchée par l'islamophobie. 

S'il est autorisé à continuer, le gouvernement du Canada signale que les préjugés systémiques liés à l'islamophobie sont tolérés au sein de ses organismes. Il encourage l'islamophobie en dehors du gouvernement et sape les efforts de tous ceux qui promeuvent la tolérance. 

Merci.

La chaise: Merci beaucoup aux deux témoins.

Sénateur Omidvar : Monsieur Sultan, je suis à peu près dans le dossier des organismes de bienfaisance, et j'apprécie votre témoignage. Pouvez-vous nous dire quel est l'état de votre Charte défi?

Monsieur Sultan : C'est toujours dans le système judiciaire, et nous attendons une décision, nous nous attendons, à la fin du printemps ou au début de l'été de la Cour supérieure de l'Ontario.

Sénateur Omidvar : Savez-vous que le gouvernement a nommé un ombudsman fiscal en partie à la suite du sommet sur l'islamophobie? L'ombudsman fiscal comparaît aujourd'hui devant nous et a lancé une enquête sur les allégations d'islamophobie à l'ARC.

Dans quelle mesure avez-vous été consulté dans le cadre de cette enquête ?

Monsieur Sultan : Je pense que l'AMC, en tant qu'organisation, a été consultée à ce sujet, mais je sais que la communauté a le sentiment qu'il n'y a pas eu suffisamment de consultations. Il y a aussi des membres de la communauté qui se sont montrés réticents à s'engager dans une consultation. 

La situation actuelle dans la communauté musulmane est qu'il y a un manque de confiance avec les bureaucraties gouvernementales à cause de l'islamophobie dont les gens ont été témoins. Il y a une hésitation à s'engager pleinement. Je ne peux pas dire à quel point l'acte de consultation a été étendu, mais le MAC a été approché.

Sénateur Omidvar : Je vois. Vous avez dit que l'ARC appliquait différentes normes aux organismes de bienfaisance musulmans. Lorsque j'ai soulevé cette question auprès des représentants de l'ARC, ils m'ont dit qu'ils ne regardaient pas les organismes de bienfaisance, les examens ou les vérifications fondés sur la religion. Ils ne pouvaient pas me dire si des organisations hindoues ou juives avaient été auditées, car ce n'est pas l'information qu'ils recueillent. Que diriez-vous de cela ?

Monsieur Sultan : Je dirais que c'est un processus très simple pour essayer de comprendre la discrimination systémique qui existe. Une façon simple de le faire est de demander combien d'organismes de bienfaisance musulmans ont été vérifiés par la Division de l'examen et de l'analyse par rapport aux chrétiens, aux juifs, aux hindous, et cetera. Je pense que ce serait très révélateur. Lorsque vous êtes audité dans le cadre de la RAD, il s'agit d'un type d'audit très différent d'un audit régulier de l'ARC. La RAD a été créée pour enquêter sur le financement du terrorisme. Parmi toutes les organisations caritatives musulmanes qui ont été auditées par la RAD, je n'ai connaissance d'aucune personne criminellement impliquée dans ces audits. Donc, vous êtes soumis à ces audits de la RAD, il n'y a pas d'allégations criminelles qui collent aux individus, mais les organisations sont soit fermées, soit pénalisées et paralysées pour faire leur travail. 

Cela fait partie du défi, je pense. Nous n'avons pas cette information, et l'ARC peut faire des réclamations qui sont très difficiles à déterminer de l'extérieur parce que nous n'avons pas accès à cette information. C'est pourquoi la communauté espère que le gouvernement agira et ira au fond de cette discrimination et de ces préjugés qui existent bel et bien et y remédiera.

Sénateur Omidvar : J'ai des questions pour vous deux. Monsieur Sultan, comme vous pouvez très bien le comprendre, une bonne politique repose sur des preuves solides et, à l'heure actuelle, l'ARC ne recueille pas de données fondées sur la religion. Nous savons combien d'organismes de bienfaisance religieux il y a au Canada. Nous ne savons pas combien sont cette religion ou cette religion. Il est donc très difficile de comparer.

Recommanderiez-vous que l'ARC commence à recueillir des données sur les organismes de bienfaisance religieux en fonction de l'enregistrement, des vérifications et de la révocation afin que nous ayons enfin des preuves nous permettant de comparer des pommes avec des pommes avec des pommes?

Monsieur Sultan : Absolument. Un point de données que j'ai oublié de mentionner est en fait un point de données mentionné dans le rapport de l'Université de Toronto sur les pratiques de l'ARC. Ce rapport a montré que même si les organismes de bienfaisance musulmans représentaient moins de 1% de tous les organismes de bienfaisance canadiens, ils représentaient 75% de tous les organismes de bienfaisance révoqués par la Division de l'examen et de l'analyse, ou SAR. Nous avons donc cette information. Mais absolument, tout comme les organismes d'application de la loi sont invités à présenter des données fondées sur la race, l'ARC doit être en mesure de produire des données religieuses. Il devrait être en mesure de fournir les différentes données sur les différentes données démographiques, les différents types d'organismes de bienfaisance qu'il vérifie et les différentes conséquences de ces vérifications. Le public devrait savoir qui est audité par la division RAD et qui est audité par la division régulière de l'ARC, ainsi que quels types d'organismes de bienfaisance et comment ils sont traités. 

Absolument. Je pense que c'est un élément important de la réforme qui contribuera à maintenir la transparence et à faire savoir au public et au gouvernement ce qui se passe.

Sénateur Omidvar : Serait-ce donc une sorte de proxy de ce que nous appelons normalement des données désagrégées, mais dans ce cas, il s'agirait de données désagrégées par religion?

Monsieur Sultan : C'est vrai.

La chaise: Monsieur Sultan, j'ai une brève question pour vous. Nous entendrons l'ARC à un moment donné. Quelle serait la question que vous leur poseriez ?

Monsieur Sultan : Je leur demanderais quels systèmes ils ont mis en place pour s'assurer qu'il n'y a pas de discrimination systémique contre les musulmans ou d'autres minorités.

La chaise: Pour en revenir à la question du sénateur Omidvar — nous avons tous les deux eu une réunion avec l'ARC et j'ai soulevé le fait que sur les huit organismes de bienfaisance qui ont fait l'objet d'une vérification, six d'entre eux étaient musulmans. Ils ont dit qu'ils ne vérifiaient pas spécifiquement les organisations caritatives musulmanes. J'ai soulevé la question que s'ils savent qu'il y a un organisme de bienfaisance qui travaille dans un pays musulman ou qui a « islamique » dans son nom, vous savez que c'est un organisme de bienfaisance musulman.

Monsieur Sultan : Oui bien sûr. Je pense qu'il est un peu malhonnête de prétendre que nous n'avons aucun critère explicite pour auditer les organisations caritatives musulmanes, mais la réalité sur le terrain est que les processus qui conduisent à déclencher un audit par la division RAD en particulier sont complètement biaisés contre les musulmans. organisations et associations caritatives. Cela a des racines dans l'islamophobie, dans les médias islamophobes, chez les politiciens islamophobes du passé qui ont inculqué ces programmes dans cette direction. À moins que nous ne soyons prêts à appeler un chat un chat, la communauté musulmane continuera à faire face à cette discrimination. Au lieu que les organisations caritatives musulmanes servent les communautés à travers ce pays, elles dépenseront d'importantes ressources humaines et financières pour se défendre contre ces préjugés et cette discrimination. 

C'est vraiment injuste, parce que vous avez une communauté qui est déjà privée de ses droits, qui est déjà confrontée à l'islamophobie systémique dans la société en général et qui doit maintenant y faire face au sein des bureaucraties gouvernementales. C'est un double fardeau qui est injuste pour la communauté musulmane, et je ne pense pas que l'ARC fasse preuve de leadership en identifiant ce problème et en s'engageant à le régler. 

Tout ce que j'ai entendu de l'ARC, que ce soit par les médias ou par tout autre moyen, c'est du déni. C'est vraiment dommage que vous ayez des preuves aussi claires, plusieurs rapports, les pratiques sont très évidentes, et il n'y a aucune prise de conscience ou engagement à faire mieux. Notre premier ministre a parlé de cette importance et du fait qu'il s'agit d'un véritable problème auquel il faut s'attaquer. Où est donc le leadership de l'ARC à cet égard? Où sont leur propre réflexion et leurs propres évaluations ? Je pense que si nous ne voyons pas ce leadership de la part de l'ARC, cela signifie encore une fois que le gouvernement a la responsabilité d'agir et d'inculquer des réformes.La chaise: Merci beaucoup. Je remercie sincèrement les témoins d'avoir accepté de participer à cette importante étude. Votre aide à notre étude est grandement appréciée.

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